A la tête des Forges de Laguiole depuis 2007, Thierry Moysset s’est inspiré de son expérience des grands groupes et de sa philosophie de vie pour donner, au fil des années, un nouveau souffle à l’entreprise. Rencontre avec une forte personnalité qui s’empare du monde et l’embrasse avec force.
Porsche, Alcatel ou encore Peugeot ne vous sont sûrement pas des sociétés ou des marques inconnues. Pour Thierry Moysset, elles le sont encore moins puisqu’il y a occupé des postes stratégiques pendant de nombreuses années. « Malgré mon profil de grand groupe, je voulais travailler au sein d’une PME (…) Dans une PME, les moindres erreurs se paient cash. Nous avons plus de responsabilités et l’on manage plus ».
Si la Coutellerie n’est pas son milieu de prédilection, avec les Forges de Laguiole, il y voit un challenge. «La situation était compliquée et ça m’a attiré. Vous savez, c’est plus facile de faire travailler un pompier quand il y a le feu que quand il n’y a rien à éteindre »
Eteindre le feu, raviver la flamme
Et pour l’éteindre il utilise les techniques apprises dans les grands groupes afin de redonner stabilité à son entreprise. « On a rééquilibré les équipes, adopté une juste hiérarchie, relocalisé la fabrication ; on a innové, remarketé le produit (…) Les réflexes techniques et technologiques d’une grande société peuvent solutionner les problèmes d’une PME ».
« Moi le Cahier des Tendances des grands groupes, je m’en fiche »
Mais pour Thierry Moysset, ces réflexes ont une limite, tout comme les lois imposées par un marché dont il se tient éloigné : « Moi, les Cahiers de Tendances des grands groupes, je m’en fiche. Je réponds à une autre demande, celle qui vient du terroir. La tendance, elle est là ».
Aujourd’hui, les Forges de Laguiole ne recherchent pas le succès absolu mais plutôt la perfection. Alors, quand un objectif est atteint, quand une contrainte est dépassée, Thierry Moysset repousse plus loin encore les limites. « Nous voulons augmenter sans cesse la qualité de nos produits pour enrichir notre savoir-faire, nos métiers, et pourquoi pas en créer de nouveaux ». Pour lui « si vous enfilez un fil dans un chas de plus en plus fin, vous allez gagner en dextérité et en précision. A l’inverse, si le chas de votre aguille s’élargit, vous enfilerez le fil plus facilement, mais vous perdrez progressivement votre capacité à le faire dans un chas plus fin parce que la tâche sera devenue trop facile ».
La dette et le don
En véritable conteur, il nous rappelle tout de même que la qualité à un coût : « si nous perdons la qualité, nous perdons aussi le savoir-faire ». Alors pour arriver au niveau d’exigence qu’il s’est fixé, il adopte un grand principe : la dette et le don. « Un bon couteau, on lui demande d’abord de bien couper, de se plier facilement et d’entrer dans notre poche. C’est sa dette. Son don, c’est la façon qu’il aura de faire battre votre cœur, parce que vous le trouverez beau, que vous l’aurez choisi, et qu’il vous rappellera un événement particulier ».
Pour Thierry Moysset, les consommateurs d’aujourd’hui raisonnent comme cela, et la dette ne suffit pas à les combler. « Si le produit n’a pas de valeur affective, il meurt et la dette ne suffit pas. (…) C’est d’ailleurs comme cela que nous devrions penser la vie parce que ce principe s’applique à tout ».