La Porcelaine de Limoges est désormais une indication géographique protégée (IGP), et c’est en grande partie grâce à Alain Mouly, le président de l’Union des Fabricants de Porcelaine de Limoges (UFPL). Il lui a fallu convaincre trois présidents de la République et nettement plus d’interlocuteurs. Il sait que l’IG est une étape décisive pour un secteur qui mérite d’être protégé, au profit des acteurs locaux, de la Haute-Vienne mais surtout des consommateurs.
En quoi l’indication géographique protégée est-elle si importante pour la porcelaine de Limoges ?
Tout d’abord cette indication géographique permet de valoriser le savoir-faire et l’excellence de la porcelaine de Limoges. Une histoire qui a plus de deux siècles puisque le Kaolin a été découvert près de Limoges en 1768 et la première fabrique de porcelaine de Limoges a été édifiée 4 ans plus tard, à la demande expresse de Louis XV.
L’objectif de cette indication est de dynamiser le territoire en incitant des acteurs de la céramique à venir s’implanter en Haute-Vienne. C’est déjà le cas pour certaines entreprises installées ailleurs en France et qui se sont manifestées pour nous rejoindre. De plus, nous espérons que cela aura un impact positif sur le tourisme local.
Et pour les entreprises locales ?
Avec cette indication, nous valorisons et pérennisons des métiers en les protégeant des dérives apparues depuis le début des années 2000. Des entreprises apposaient le chromo « Porcelaine de Limoges » sur des produits manufacturés en Chine ou au Maghreb. Sans aller aussi loin, nous avions aussi des cas d’entreprises européennes et même françaises, ayant pignon sur rue, qui vendaient de la porcelaine de Limoges. La contrefaçon s’était généralisée. Désormais, nous avons un cadre juridique qui nous permet de sévir et de nous retourner vers les tribunaux.
L’implantation géographique est donc nécessaire pour s’appeler Porcelaine de Limoges ?
Exactement, mais pas seulement. Un cahier des charges défini en étroite collaboration avec l’Institut National de Propriété Intellectuelle (Inpi) détermine clairement 12 conditions auxquelles doivent répondre les entreprises qui souhaitent désormais se prévaloir « Porcelaine de Limoges ». Aujourd’hui, cela concerne une trentaine d’entreprises qui décorent ou fabriquent de la porcelaine autour de Limoges, et plus de 1 200 acteurs qui participent directement à cette activité.
La prochaine étape : chaque entreprise, fabricant ou décorateur de Haute-Vienne, doit obtenir une certification individuelle après avoir été auditée par un organisme de contrôle accrédité par le gouvernement.
Qu’est-ce que cette indication apporte aux consommateurs ?
Cette indication géographique est issue d’une loi de consommation qui place le consommateur au centre de ses intérêts. Elle garantit à ce dernier information, protection et lui assure l’authenticité du produit sans équivoque. Et cela s’applique au niveau national comme international.
Avant, le consommateur n’avait aucune garantie que la porcelaine dite de Limoges qu’il achetait ait bien été fabriquée sur place. C’est chose faite. Il faut bien comprendre que cette indication a d’abord été faite pour protéger les consommateurs, qu’ils soient Français ou étranger. Il ne faut pas oublier que la porcelaine de Limoges est une marque d’excellence et qu’elle se vend principalement à l’exportation.
À qui profite en premier lieu cette indication géographique : aux grands ou aux petits fabricants et décorateurs de porcelaine de Limoges ?
C’est une bonne question. Et contre toute attente, je pense que cette indication profite en premier lieu aux petites entreprises. En effet, avant, elles étaient absentes au-delà de nos frontières, sans possibilités de se défendre contre la contrefaçon. Aujourd’hui, avec cette indication, elles sont protégées. De plus, le Quai d’Orsay, qui est en charge de promouvoir le commerce extérieur, se fait fort de mettre en avant nos produits d’excellence.
Pensez-vous que cette indication géographique va se développer à d’autres produits ?
Absolument. Il y a une vingtaine de produits qui devraient avoir prochainement leur indication géographique, parmi lesquels les couteaux Laguiole ou le savon de Marseille. Encore faut-il que ceux qui s’en revendiquent se rassemblent en organisme de défense et de gestion.
Ce qui a tout changé, c’est en 2014, quand la loi Consommation a étendu les indications géographiques aux produits manufacturés. Avant, elle ne concernait que les produits agricoles et agro-alimentaires, comme par exemple le Camembert. Dès lors, nous avons œuvré pour que la porcelaine de Limoges obtienne cette indication. Je n’ai qu’un regret, c’est que nous n’ayons pas été les premiers à l’obtenir.