COMMENT VOUS SENTEZ-VOUS DANS CE NOUVEAU RÔLE DE GRAND CHEF ?
Je n’aime pas employer ces mots-là. C’est vrai que c’est compliqué de gérer cette notoriété après une telle mise en avant. J’essaie juste de rester humble et de m’entourer de personnes bienveillantes sur lesquelles je peux m’appuyer. C’est très important de garder du lien et ce côté humain…
Quand j’étais plus jeune, mes maîtres d’apprentissage étaient très durs. Je veux en faire une force et ne pas tout reproduire à l’identique. Je suis plus dans une démarche pédagogique… Je pense que nous résolvons nos problèmes plus facilement en discutant.
Aujourd’hui, je suis entouré de 25 personnes. J’essaie d’être aussi proche des uns et des autres avec les degrés de besoin de chacun… Finalement, c’est bien ça le plus difficile à gérer. À côté, créer ou inventer des plats est vraiment un jeu d’enfant ! *rire*
VOUS DITES SOUVENT QUE TOP CHEF VOUS A PERMIS D’AFFIRMER VOTRE IDENTITÉ CULINAIRE. COMMENT CELA S’EST TRADUIT AU NIVEAU DE VOTRE TRAVAIL ?
J’étais sûrement plus timide et réservé avant l’émission. Aujourd’hui je n’ai plus peur d’oser et surtout, de mettre en avant ma signature : la cuisine du végétal. Personnellement, je n’ai pas appris beaucoup plus de choses d’un point de vue technique. Par contre, dans la profondeur des goûts ou dans l’interprétation, nous sommes allés chercher plus loin. Nous avons repoussé nos limites.
Aujourd’hui, que ce soit à travers la cuisine, l’art de recevoir ou les Ars de la Table, je veux emmener le client vers une vraie expérience. Entendre « j’ai bien mangé au Jardin des Plumes » ne me suffit plus !
SELON VOUS, LES ARTS DE LA TABLE SONT-ILS COMPLÉMENTAIRES DE LA GASTRONOMIE ?
Les arts de la table font bien sûr partie du voyage, c’est même une évidence ! Par contre, je ne pense pas qu’il y ait de règles prédéfinies. Parfois, c’est grâce à une rencontre avec un(e) céramiste et un coup de cœur pour un contenant que je vais imaginer un plat. Une autre fois, ce sera l’inverse, un plat me traversera l’esprit et il me restera à savoir comment le sublimer encore plus grâce aux arts de la table. Dans tous les cas, il y a une véritable interprétation de la table.
Dans le Jardin des Plumes, à Giverny, nous sommes en plein cœur de la ville qui inspira les plus grandes œuvres de Monet. Le côté végétal est réfléchi à différents niveaux. Nous avons par exemple travaillé le célèbre nymphéa, sur lequel nous servons des cuisses de grenouille. Nous avons tous l’image de la grenouille qui se dore la pilule sur la feuille de nénuphar… Nous retrouvons cette image dans le restaurant.
Nous pouvons aussi sortir et ramasser des branches avec du lichen pour présenter un champignon. Ici encore, je pense qu’il n’y a pas de règles. Nous devons être créatifs. Dans le restaurant, nous jouons avec la nature et les matières brutes. Elles ont une place essentielle dans les Arts de Table de nos menus dégustations.
IL PARAÎT QUE VOUS DESSINEZ TOUS VOS PLATS. UTILISEZ-VOUS LE MÊME PROCESSUS DE CRÉATION AVEC LES ARTS DE LA TABLE ?
Bien sûr ! Je dessine toujours en noir et blanc. Pour ce qui est de la couleur, je les imagine mais ce sont les ingrédients qui apporteront la palette de peinture. J’aime mélanger les styles, les matières et les textures. Même le toucher est important, tous les sens doivent être en éveil ! Nous devons avoir la même sensibilité quand nous touchons une assiette que lorsque nous mettons une cuillère en bouche.
COMMENT CHOISISSEZ-VOUS LES MARQUES ARTS DE LA TABLE AVEC QUI VOUS TRAVAILLEZ ?
J’ai toujours cette ligne de conduite de travailler avec des marques françaises et du circuit court. Je fonctionne aussi beaucoup à l’affect ! Nous travaillons avec une créatrice de céramique, Virginie Boudstocq, à Argenteuil. Avec elle, nous faisons du sur-mesure pour apporter une vraie singularité à nos dressages. C’est aussi une grande fan de ma cuisine, elle sait ce que j’aime, c’est donc plus simple pour elle de créer. Forcément, dès qu’elle me montre un prototype, j’en tombe rapidement amoureux…
COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LA TABLE « SIGNATURE » DU CHEF GALLIENNE ?
La table serait nue et prendrait vie tout au long du repas, un peu comme un ballet d’opéra. Pour moi, la cuisine est comme un spectacle, un défilé, une partition musicale sur laquelle le chef d’orchestre viendra ajouter les éléments les uns après les autres.