Des grands monuments aux Arts de la Table, Jean-Philippe Nuel est un passionné qui met toute sa vision et son savoir faire au service de la création. Il travaille toujours avec cette volonté de toucher toutes les échelles de projet et de casser
les codes de l’hôtellerie et de la restauration.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mes sources d’inspiration… Il y en a plusieurs. Je commence tout d’abord par un travail de documentation. Il faut nourrir le projet d’une façon encyclopédique. Ensuite, d’une façon plus globale, j’aime beaucoup lecinéma. Rentrer dans un hôtel est un peu comme les premiers plans d’un film :
il faut plonger dans l’univers.
La littérature aussi, j’aime bien voir mes projets comme un personnage et son caractère, ses traits forts, ses traits
secondaires… Je dirais donc le cinéma, la littérature, et une vraie approche spécifique pour chaque endroit.
Parlez-nous de votre studio éponyme Jean-Philippe Nuel. Quels sont vos dernières réalisations
marquantes ?
Nous sommes aujourd’hui une trentaine de collaborateurs à Paris, avec un bureau à New-York.
Dans les réalisations marquantes, il y a évidemment l’Hôtel-Dieu à Lyon qui est assez récent. En ce moment même, nous travaillons pour le château Fonroque, un Grand Cru Saint-Emilion. Nous avons réhabilité la demeure en lieu de réception et nous sommes en train de réaliser un chai en architecture.
C’est un projet intéressant car il me permet de garder le contact avec l’architecture, tout en jouant avec les différentes dimensions.
Parlez-nous de votre approche du design dans le studio Jean-Philippe Nuel ?
Je pense que nous avons une approche un peu spécifique du fait de notre vision globale du projet d’architecte.
Nous nous posons tout de suite la question de la projection de l’objet créé dans son environnement.
Pour la marque Chef & Sommelier, nous avons dans un premier temps regardé les grandes tendances qui se dégageaient de nos projets d’architecture.
Ces tendances ont ensuite été insufflées à la grande famille des assiettes de table.
Le résultat ? Des collections alliant décoration
et fonctionnalité et qui rendent hommage à la porcelaine.
La collection Fragment par exemple, est conçue autour d’une tendance dépareillée avec un équilibre parfait entre forme et couleur. La collection Concrete, plus impertinente, est directement inspirée du béton.
Quelles sont selon vous les grandes évolutions que vous remarquez dans les modes de consommation ?
Si on doit parler de grandes tendances, je pense qu’il faut avoir un regard sur les crises qui nous arrivent en ce moment.
Selon moi, ces crises vont de pair avec les changements de modes de vie, à l’échelle mondiale. Ce qui m’intéresse, c’est de dégager des tendances lourdes. Je trouve que d’une façon tout à fait globale, et c’est valable absolument pour tout, il faut et il faudra moins consommer, et mieux consommer. Comment ? Toute la consommation, et jusqu’à la nourriture, doit avoir plus de sens.
Mieux consommer, et moins consommer,
c’est une tendance lourde. Ça veut dire que le choix et la place de l’objet, dans un restaurant, dans un appartement et dans la société en général, doit être porteur de plus de sens,
c’est-à-dire moins futile mais avec de la valeur (culturelle, qualité, nature…). Les Arts de la Table se trouve aussi dans cette dynamique lourde.
Si vous deviez dessiner demain une collection pour Les Arts de la Table, quelle serait votre envie?
J’aurais envie de discuter avec des chefs. Quand on parle des Arts de la Table, on parle de la rencontre entre deux créations. Celle du designer, qui aura dessiné l’assiette, et celle du chef qui aujourd’hui a cette vraie approche esthétique au-delà de celle gustative.
Bien sûr, certains pourraient préférer garder une « page blanche », une assiette très neutre, comme cela s’est fait pendant des annéespour laisser la place à la gastronomie – dans ce cas travailler sur la forme pourrait être aussi intéressant. D’autres pourraient être plus intéressés d’intégrer une rencontre au process.
Ça m’intéresse vraiment ! J’adore ces jeux de dialogue, quand je monte un projet pour un hôtel par exemple, je fais toujours appel à d’autres artistes :
des peintres, des photographes, des sculpteurs…
J’aime bien partager avec eux une ambition, leur raconter l’histoire, et leur laisser la liberté d’exprimer leur univers pour rebondir en faveur du projet.
J’aime beaucoup cette notion d’émulation entre créatifs.