Dans son atelier de la région parisienne, la céramiste Isabelle Poupinel fait naître de ses mains des créations sculpturales, de la vaisselle en porcelaine ou des installations lumineuses. De « l’art utile » aux lignes épurées qui enchante notre quotidien, rencontre.
Comment votre vocation de céramiste est-elle née ?
Isabelle Poupinel : J’ai toujours été créatrice. Après avoir exercé différents métiers artistiques, je me suis concentrée sur la peinture sur émail, je peignais la porcelaine comme un tableau sur lequel je posais toutes mes inspirations. La révélation de la terre est venue plus tard, à la suite d’un voyage à Istanbul pour un projet avec une artiste joaillière istanbuliote. J’ai ressenti une certaine frustration à la voir créer ses objets de A à Z alors que mon intervention se retrouvait limitée, ce fut le déclic.
Je me suis lancée de manière autodidacte et en me formant avec un ancien modeleur de la manufacture de Sèvres, qui reste d’ailleurs toujours mon maître. Je pense qu’on ne cesse jamais d’apprendre, chaque projet suscite de nouveaux questionnements, une nouvelle tournure d’esprit, une différente approche technique. Mon intérêt pour la matière est né comme cela… de ce monde de la porcelaine que je fréquentais par mes pinceaux. Je le trouvais noble et absolument magnifique.
« Je pense qu’on ne cesse jamais d’apprendre, chaque projet suscite de nouveaux questionnements. »
Comment travaillez-vous la céramique ?
Je suis partie du décor, puisque c’était ma spécialité, pour aller de plus en plus vers la forme, la pureté, le vide, vers l’essentiel. Il y a des petits détails extrêmement travaillés, mais en général les formes sont nettes, pures, organiques, franches. Quand je travaille je ne cherche pas la complication.
La nature est-elle une source d’inspiration ?
Plus qu’une source d’inspiration, c’est un enseignement perpétuel. Mais ce n’est pas voulu, cela vient tout naturellement. Le rapport à la nature est vraiment primordial pour mon équilibre. Je suis entourée par elle ; je travaille d’ailleurs beaucoup dehors, même quand il neige !
Mon regard est captivé par toutes les beautés, les transformations, par tout ce qui passe. Beaucoup de mes bonnes idées sont venues quand je pratiquais la course à pied par exemple. Maintenant que je ne coure plus je reste très proche de cet univers incroyable. Quand on la regarde, on la touche, on la sent, elle vit, elle enseigne.
Quelle est votre vision des arts de la table ?
Je suis une fille du Sud-Ouest, j’aime manger ! Et en même temps j’ai hérité du sens de l’esthétique familial. Le bon et le beau sont indissociables. L’art de la table est donc très important pour moi, d’autant que j’apprécie énormément de recevoir et de sublimer ces moments du quotidien. C’est ce que j’appelle un art utile, utile à tout le monde. Je constate ce retour vers des objets de qualité, quitte à réduire les quantités. On s’offre une tasse parce qu’elle est tellement belle, et ce sera LA tasse, pas besoin d’en avoir dix. C’est ainsi que j’entends l’art utile, c’est savoir se faire doucement plaisir, enchanter son quotidien.
C’est une vision que vous partagez avec certains chefs étoilés, comment se passent ces collaborations ?
Je travaille notamment avec Sylvestre Wahid, Yannick Alléno, Alexandre Couillon, Jean-François Rouquette, Bruno Verjus. C’est un besoin qui se crée pour eux à un moment, soit parce qu’ils sont en train de créer une recette, un menu ou soit qu’ils cherchent quelque chose d’unique pour leurs tables, auquel je réponds en proposant mes créations, mes idées ciblées. Il n’y a pas de règles, nous faisons des essais et fonctionnons beaucoup à l’intuition. Entre créateurs, nous nous comprenons.
Sur quelles prochaines créations travaillez-vous ?
Je travaille le plus souvent pour des projets à long terme qui germent peu à peu ! Je participe notamment à ce très beau projet initié par Sybille de Margerie, l’architecte d’intérieur des résidences Royal Atlantis à Dubaï, qui a invité 5 créatrices françaises à proposer leur savoir-faire. Pour ce chantier, une installation murale de fleurs de porcelaine destinée à la master bedroom a été choisie.
En parallèle je travaille sur une commande très particulière d’un collectionneur, je termine une oeuvre dans le cadre du « Savoir-faire des Takumis » organisé par les Ateliers de Paris et les Ateliers d’art de France – ce qui m’a emmenée récemment à Kyoto – et pour finir j’aborde une nouvelle collaboration avec un établissement étoilé anglais, mais je n’en dis pas plus !