Depuis plusieurs années, Maud Argaïbi photographie mets et « merveilles ». Cette ancienne Chef cuisinière a déjà signé plusieurs livres. Entre tendances et mouvances, elle nous révèle les secrets d’un shooting photo culinaire.
Vous êtes passée de la cuisine à la photographie culinaire ? Ce sont deux formes d’art très différentes…
Ce n’est pas si différent, en réalité. Les grands chefs font leurs propres livres, les cuisiniers aiment les recettes culinaires. J’ai travaillé dans de grands restaurants, il y a toujours de beaux magazines à disposition pour voir ce qui se fait ailleurs. Les dressages et recettes sont des sources d’inspiration. En lisant ces magazines, je me disais : « Si j’arrête la cuisine, je deviens photographe culinaire ».
Comment se déroule un shooting photo culinaire ? Est-ce que vous cuisinez et mangez ce que vous photographiez ?
(Rires) Ni l’un ni l’autre … ou presque. La styliste culinaire apporte la vaisselle, les ingrédients. Elle cuisine et s’occupe de la mise en place. Il m’arrive d’apporter ma propre vaisselle, si le client a une demande spécifique. Parfois, nous sommes trois sur le shooting: l’auteur des recettes, le ou la styliste culinaire et moi-même. (…) Et non, nous ne mangeons pas ce que nous photographions. C’est un peu comme si vous mangiez vos outils de travail, mais il nous arrive exceptionnellement de ponctuer la fin d’un shooting par un repas.
Est-ce que les plats doivent être bons et vraiment cuisinés pour que les photos soient réussies ?
Dans mes photos, tout est vrai. C’est le cas chez la plupart des photographes culinaires, la fausse nourriture est une légende urbaine. Même pour les publicités McDonald’s ! Les burgers sont totalement stylisés, travaillés. Le résultat s’en ressent lorsque tout est véritablement cuisiné.
Selon moi, la photo sera toujours très réussie si la cuisine est faite avec amour et avec de vrais ingrédients. En plus, imaginez que la personne n’obtienne pas les mêmes textures et couleurs en suivant la recette ? Par exemple, les épinards et le concombre n’offrent pas le même vert une fois transformés en jus.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui est « tendance » dans l’art de la photographie culinaire ?
La vue du dessus, qu’on appelle aussi « top shot », est très tendance. C’est facile et très graphique. La mise en avant du matériel de cuisine, des produits bruts ou du « fait-maison » est également à la mode. On me demande souvent d’ajouter des coulures, de laisser des gouttes, des miettes… Il m’arrive d’entendre : « C’est trop propre ! ». Avant, la tarte était toujours entière. Aujourd’hui, on la découpe.
Les couleurs sont très présentes et plutôt dans les tons pastels. Il y a trois ou quatre ans, c’était tout blanc ! Le monochrome, le style épuré revient progressivement.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
N’étant pas du milieu de la photographie au départ, je suis davantage inspirée par de grands chefs que par de grands photographes. J’aime beaucoup ce que fait le photographe Guillaume Czerw, par exemple. Les photographes culinaires ne sont pas encore assez valorisés, alors que les photographes de mode peuvent devenir de véritables stars. C’est dommage.
Pour vous, l’art de bien manger, c’est quoi ?
Savoir goûter, avoir conscience de la texture de chaque aliment. Avec mon dernier enfant, je pratique la diversification alimentaire menée par l’enfant lui-même. Il choisit ses aliments, les portent tout seul à sa bouche. Evidemment, il faut surveiller qu’il ne s’étouffe pas avec certains morceaux.
Quels sont vos projets ? Cuisiner ne vous manque-t-il pas ?
J’ai l’impression que je viens de commencer la photographie. J’ai encore beaucoup à explorer : la photographie avec les grands chefs, avec les grandes maisons de l’Art de la Table, les photoreportages… Ma sœur va bientôt me rejoindre pour m’aider à développer de nouveaux projets. (…) Et non, la cuisine ne me manque pas parce qu’en photographie culinaire, elle ne nous quitte jamais vraiment !