De la Lorraine aux confins de la Haute-Saône, les forêts des Vosges ont depuis des siècles offert les matières premières nécessaires aux arts du feu. Berceau traditionnel de la cristallerie, de la verrerie et de la faïencerie, la région Grand Est a vu naître de grandes manufactures toujours en activité et de renommées internationales.
Si la Lorraine détient aujourd’hui un savoir-faire de près de 300 ans, elle le doit à Louis XIV. En effet, alors que le roi Soleil ordonne de faire fondre l’argent et le vermeil afin de financer l’effort de guerre, les pièces d’orfèvrerie disparaissent des tables de la noblesse. La faïence prend alors son essor et devient le nouvel art de la table. Si on ajoute à cela les richesses naturelles qui abondent dans la région, entre le bois des Vosges pour les fours et les bancs d’argile pour la pâte, la Lorraine possède tous les atouts pour une production exceptionnelle d’arts de la table.
C’est ainsi que les plus prestigieuses cristalleries, aujourd’hui mondialement reconnues, sont nées dans la région. C’est le cas de Baccarat, située dans la ville éponyme, de Saint-Louis, fondée dans la vallée de Münzthal en Moselle, et de Daum à Nancy.
Lorraine, terre faïencière depuis trois siècles
Fondées au XVIIIe siècle, les faïenceries de Lunéville, Saint-Clément et Niderviller figurent parmi les plus anciennes de Lorraine encore en activité. Leur histoire se confond avec celle de Jacques Chambrette, un maître faïencier qui fonde en 1728 une première manufacture de faïence à Lunéville, alors capitale princière de la région, et résidence du duc Léopold et de sa cour.
Le succès artistique et commercial de la faïencerie à Lunéville ne se fait pas attendre et la manufacture reçoit le statut de poterie royale des Ducs de Lorraine. Fort de ce succès, Chambrette ouvre une nouvelle faïencerie à Saint-Clément, village situé dans le Royaume de France et non en terres ducales.
Lunéville et Saint-Clément acquièrent donc une belle notoriété avec la création de pièces haut de gamme destinées à la cour des ducs de Lorraine, ou encore au Petit Trianon de Marie-Antoinette. Elevées au rang de manufactures royales, elles sont louées à travers toute l’Europe pour la finesse et la blancheur de leurs productions ainsi que pour la délicatesse de leurs décors.
Au cours du XIXe siècle, les faïenceries se dotent d’ateliers d’art et rivalisent de créativité pour présenter leurs plus belles pièces aux Expositions Universelles, tandis qu’au XXe siècle la période Art Nouveau assure aux manufactures un nouvel âge d’or, notamment avec la collaboration d’artistes comme Émile Gallé ou Ernest Bussière, qui imaginent des pièces telles de véritables œuvres d’art.
Labellisées Entreprise du Patrimoine Vivant, les manufactures royales de Lunéville-Saint-Clément perpétuent aujourd’hui leurs savoir-faire en produisant encore la faïence traditionnelle, tout en proposant des collections contemporaines.
Autre ville réputée pour sa longue tradition faïencière, Sarreguemines a donné son nom pendant plus de deux siècles à l’une des plus grandes faïenceries d’Europe. Particulièrement prisée par les collectionneurs, la faïencerie de Sarreguemines a rejoint le groupe Les Jolies Céramiques qui continue de produire quelques-uns de ses grands classiques, notamment le fameux service « Obernai ».
Longwy, berceau de la faïence d’art
Installée en 1798 dans l’ancien couvent des Carmes de Longwy, la faïencerie doit son entrée dans l’histoire à la visite de Napoléon Ier qui commande à la toute jeune manufacture une soupière ornée des insignes de l’Empire et de la Légion d’Honneur. C’est au cours des années 1870, que la technique spécifique des émaux cloisonnés, qui consiste à fermer les gouttes d’émail par de fins traits noirs, est mise au point. Elle assure depuis aux émaux de Longwy un prestige international ininterrompu.
Des verreries au savoir-faire séculaire
C’est dans les Vosges saônoises qu’est née il y a cinq siècles la plus ancienne verrerie d’art traditionnelle encore en activité en Europe. Née en 1475 aux confins de la Haute-Saône et des Vosges, la Verrerie La Rochère doit sa fondation à Simon de Thysac, un maître verrier gentilhomme du château de Lichecourt. Si la production se mécanise dans les années 1970, La Rochère, qui affiche aujourd’hui 500 ans de savoir-faire à côté de sa production industrielle, perpétue avec fierté une partie de sa production en « fait main, soufflé bouche ».
Ouverte aux visiteurs, la manufacture permet même d’observer ces maîtres verriers qui transforment la matière en fusion. Forte de ces traditions, La Rochère est pourtant bel et bien ancrée dans son temps avec à son catalogue des collections destinées tant à l’heure du thé qu’à l’happy hour ! Aux rééditions de pièces historiques du XVIIIe siècle viennent s’ajouter des créations de jeunes designers.
Après avoir accueilli trois siècles d’industrie verrière, la verrerie de Meisenthal connaît un souffle nouveau depuis sa reconversion en Musée du Verre de Meisenthal. Depuis, le musée s’est enrichi du Centre International d’Art Verrier. Lieu de création contemporaine mais également de transmission de savoirs, le CIAV s’assure de la sauvegarde des savoir-faire verriers traditionnels.