Travailler le goût et la forme
Héritières d’un savoir-faire unique, que le monde entier nous jalouse, fleurons du luxe à la française, les grandes Maisons des arts de la table sont présentes dans les hôtels et restaurants étoilés, où elles subliment les créations culinaires des chefs : « quand c’est beau, c’est bon ». D’ailleurs, qui de mieux placé que ces chefs pour penser l’accord parfait entre gastronomie et design ?
Dès 2003, Alain Passard, chef du restaurant parisien 3 étoiles L’Arpège, tente le premier une incursion dans le design et les arts de la table. Avec l’orfèvre Christofle, Passard dessine des couverts pensés pour savourer les légumes qui lui sont si chers, et qu’il cultive dans son propre potager. Quelques années plus tard, toujours pour Christofle, le chef imagine une pelle à bouchée.
Chef multi-étoilé, Alain Ducasse n’hésite pas non plus à mettre son « grain de sel », dans la conception des arts de la table de ses restaurants. Associé au designer Pierre Tachon, il s’amuse à alléger les codes du luxe partout où il passe. Pour le restaurant Le Jules Verne, perché au 2eétage de la Tour Eiffel, ils imaginent en collaboration avec J.L. Coquet des assiettes de présentation dont le motif en relief s’inspire de l’architecture de la Tour Eiffel. Au Plaza Athénée ils pensent une ligne de verres soufflés à la bouche.
Le chef Guy Savoy, associé au designer Bruno Moretti, développe quant à lui, avec le porcelainier Bernardaud, un service de table pour son restaurant de l’Hôtel de la Monnaie, comprenant notamment une assiette perforée, une cloche et son conduit, une assiette trois bassins et une tasse surprise.
Dénicheur de talents, Pierre Gagnaire se tourne vers le collectif de maîtres-verriers Fluïd. Ensemble, ils dessinent une série de verres à eau, et de carafes à vin pour le restaurant de la rue Balzac à Paris, La Grande Maison à Bordeaux et le Mandarin Oriental à Hong Kong ; dont le socle en verre massif, une fois congelé, permet de garder au frais les vins blancs et champagnes.
Alors chef de l’Écrin, restaurant étoilé du Crillon, et interviewé il y a peu, Christopher Hache imagine pour sublimer son plat signature une assiette en porcelaine, qui imite l’intérieur d’un champignon, avec la céramiste Virginie Boudsocq, ou encore une corbeille à pain en porcelaine qui évoque la fermentation du levain et ses bulles.
À chaque chef son couteau
Fabriqués à l’ancienne, à la main et en quantités très artisanales, les couteaux de table des maisons puydômoises ou aveyronnaises, sont devenus le nouveau chic des restaurants gastronomiques. Un artisanat haut-de-gamme plébiscité par les chefs étoilés de la cuisine.
« Les chefs souhaitent souvent personnaliser les couteaux, ils vont choisir eux-mêmes les matériaux, demander des gravures particulières ou un dessin. Nous travaillons beaucoup avec Alain Ducasse, mais également avec la Maison Lameloise en Bourgogne, Le Castellet ou encore le George V, et le Bristol à Paris » confie Philippe Chambriard, Directeur de la Coutellerie Chambriard.
D’ailleurs, chez les Bras père et fils, l’Aubrac passe de la cuisine à la table, à travers une collection de couteaux dessinés en famille, et fabriqués par Forge de Laguiole.
À Marseille, le chef du restaurant Petit Nice, Gérald Passédat, se fait accompagner du designer Christian Ghion, et de Forge de Laguiole, pour relever un nouveau défi : réaliser un couteau à poisson !
Du restaurant étoilé à la maison
Parce que ce sont aussi les produits les plus simples qui font la grande cuisine, Alain Ducasse conçoit la cookpot, avec la Maison Pillivuyt. Cette cocotte en porcelaine blanche qui passe du feu à la table, a été pensée pour faire mijoter les légumes comme un grand chef.
En Bretagne, la Faïencerie Henriot qui perpétue la tradition de la faïence de Quimper, laisse quant à elle carte blanche à Alain Passard pour une collection « Capsule ». Chaque pièce est peinte à la main, d’après un dessin signé par le chef.
Enfin, pour dresser une table digne du fameux guide rouge, le porcelainier Raynaud propose dans son catalogue le service « Lunes », une collection créée avec le porcelainier, qui a collaboré pour l’occasion avec les designers Catherine et Bruno Lefebvre. L’assiette, comme inversée, forme un piédestal.